dimanche 16 novembre 2014

Mommy (Xavier Dolan, 2014)

Ce n'est pas le meilleur film de Xavier Dolan, mais c'est visiblement celui par lequel il va se faire connaitre d'un public plus large, ce qu'il mérite, et reconnaitre de la critique dans son ensemble, ce qui est à double tranchant. Dolan semble de fait moins encensé pour les qualités intrinsèques de "Mommy", pas aussi bon selon moi que "Tom à la ferme" sorti l'année dernière, que parce qu'il est devenu une "valeur" aux yeux de l'establishment en France.

On retrouve dans "Mommy" certaines des qualités de "j'ai tué ma mère" ou de "Tom à la ferme", notamment la mise en scène du parler populaire canadien (drôle et vivant) et le traitement pertinent de la fusionalité au sein d'un noyau de personnages "incomplets" et blessés, mais aussi, malheureusement, certains des défauts de "Laurence anyways" dans son côté outrancier.

Sans être aussi "over" que ce dernier, "Mommy" souffre parfois de longueurs sur un mode grandiloquent, avec ralentis en contreplongée/contrechamp et musique insistante, et d'un certain didactisme. Ce goût de l'excès, de l'appuyé, qui flirte avec le kitsch, donne un côté très attachant à la réalisation de Dolan quand il est correctement mesuré, comme dans "Tom à la ferme" ou "les amours imaginaires", apportant des aspérités, des moments de décalage bienvenus dans des contextes tendus, mais peut nuire à l'ensemble quand il est trop appuyé. C'est le cas de "Mommy", qui jongle entre un réalisme social à la Dardenne et des "effets" pas toujours maitrisés, qui en viennent quelquefois à gâcher l'excellente direction d'acteurs.

De là une certaine irrégularité dans ce film, parfois brillant (Dolan parvient à dépeindre dans toute sa complexité l'attachement de cette mère envers son fils à la fois violent, insupportable et touchant), parfois brouillon (au point de perdre par moment le fil de son propos). S'il mérite d'être vu, il n'en est pas moins un peu décevant ("Tom à la ferme" laissait penser que Dolan avait compris de ses erreurs de "Laurence anyways"), et ne laissait en rien présager d'un tel engouement critique.

Cette (pas si soudaine) convergence de points de vue des critiques français, avec son cortège homogène de superlatifs divers, sent un peu trop l'effet de mode intéressé (au sens où il devient économiquement intéressant d'aimer la production de Dolan) pour être honnête. On semble moins reconnaitre ici le jeune réalisateur talentueux qui a déjà signé 5 films assez différents (tant sur le plan du traitement que de leur qualité), que la poule aux oeufs d'or du moment. Avec le risque de décevoir, et donc de "déchoir", pour des motifs tout autres qu'artistiques…


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