mardi 15 décembre 2009

When a stranger calls (Fred Walton, 1979)


Après le gros classique, retour aux petits-films-qui-gagnent-à-être-connus. Exhumée du rayon tout à 2 euros d’une boutique de dvds d’occaz, entre « BMX warriors » (avec Nicole Kidman !) et une demi-douzaine d’exemplaires de « Mission to Mars », une petite perle qui aborde le genre (film d’horreur) sous un angle à la fois original et d’une grande efficacité dans ses effets classiques.

La nouveauté ne vient pas du thème, un tueur sadique qui s’introduit la nuit chez les gens pour terroriser (et tuer) les jeunes filles et les enfants, mais de la façon dont celui-ci est traité.
En effet, contrairement à la longue lignée de serial-killer implacables, trop forts et intelligents, dans l’histoire du cinéma (Hannibal Lecter en tête), le tueur est d’emblée présenté ici comme un malade mental en rupture de traitement (il s’est évadé de son hôpital psy). Un psychotique assez minable plutôt qu’un rusé psychopathe en pleine possession de ses moyens. La vie n’a d’ailleurs pas l’air spécialement jouasse pour lui : visions et pulsions qui le dépassent, une incommunicabilité quasi-complète, une errance permanente et sans aucune signification, et avec pour seul horizon une inéluctable marginalisation.
Cependant, contrairement au « Voyeur » de Michael Powell, Walton ne cherche visiblement pas à stimuler notre empathie envers lui. Il reste un pervers, une machine à tuer éternellement récidiviste, du genre qu’on voit dans les journaux et pour lequel beaucoup de gens seraient favorables à un retour de la peine de mort. Impossible de le prendre en sympathie tant il fout les jetons et semble malsain.
En cela le réalisateur continue à user de recettes classiques (et sans esbroufe) qui font mouche : le tueur est bien flippant et les situations oppressantes. L’angoisse est renforcée par des cadrages inquiétants qui laissent planer le doute sur d’où provient la menace, chaque élément du quotidien semblant alors se charger de menace.
Néanmoins, l’intelligence de Walton va être de nous présenter l’assassin à la fois comme une victime et comme un bourreau, sans jamais (ou presque) chercher à lever cette ambivalence.

Si le film démarre sur une situation assez classique de slash-movie, la petite baby-sitter harcelée par un maniaque au téléphone qui se révèle être déjà dans la maison, la seconde partie est plus inhabituelle. Après s’être fait coffré (très facilement au demeurant), l’assassin va s’enfuir une nouvelle fois de l’hôpital psy ou il se fait soigner, et l’un des flics ayant participé à la précédente arrestation (devenu détective privé) va se mettre en tête de le retrouver pour mettre fin à ses agissements. Définitivement cette fois.
La situation se charge donc d’une nouvelle ambiguïté, car on n’a pas affaire là à un justicier dûment mandaté par l’état pour remettre le vilain sous les verrous (et même s’il le tue à la fin, « c’est en état de légitime défense »), mais à un type qui prémédite sciemment le meurtre d’un malade mental, sans autre légitimité que la loi du talion. Pis encore : il n’a pas décidé ça tout seul dans son coin, mais se fait rencarder par ses ex-collègues policiers qui préféreraient que l’affaire se règle d’une façon un peu plus expéditive que ne leur permettrait leur insigne.
On se retrouve donc à suivre la traque de notre tueur du départ, présenté comme globalement irresponsable (même si on ne peut raisonnablement jamais lui pardonner), par un type aux méthodes brutales qui, lui, n’a pas l’excuse d’être cinglé.

Un sentiment de malaise se fait jour progressivement chez le spectateur, au fur et à mesure que le piège se resserre autour du meurtrier. Car non content d’agir en dehors des lois, le détective emploie les méthodes les plus dégueulasses pour arriver à ses fins. Harcelant un témoin (qui va devenir une des victimes du tueur soit dit en passant) ou faisant appel illégalement aux ressources de ses ex-collègues encore en fonction, il va jusqu'à faire miroiter au tueur qu’il va l’aider à s’en sortir. Usant du ton le plus compréhensif et rassurant alors même qu’il cache dans son dos un genre de poinçon, avec lequel il a bien l’intention de lui poignarder la gueule.
Si l’on n’en vient jamais à plaindre directement le maniaque, tant d’acharnement et de vilenie en viennent, tout de même, à faire un peu froid dans le dos. L’intérêt, je pense, étant de nous confronter à nos propres pulsions de vengeance et de haine (envers ce salopard qui tue des enfants et des femmes), et de nous les renvoyer à la tronche. Car, contrairement à d’habitude dans ce genre de film, le réalisateur ne fait aucun effort pour légitimer la pulsion meurtrière du spectateur (« ce fumier n’a eu que ce qu’il méritait », on est content pour le héros qui va avoir de l’avancement…) et s’amuse à brouiller les pistes. Qui est le pire dans l’histoire ? Le ripoux ou le maniaque ? On est loin de Clarisse et de « Buffalo Bill » à la fin du silence des agneaux.

Il est particulièrement dommage dans ces conditions d’assister à une fin aussi manichéenne (et d’ailleurs assez peu crédible quand le tueur se fait passer pour le mari de l’ex-baby-sitter), dans laquelle le détective ressort grandi : il a tué le méchant, mais en y mettant les formes, au moment précis où celui-ci allait de nouveau frapper. Il le bute, mais c’est pour sauver une innocente.
L’équilibre est rétabli, tout le monde est content, on peut aller se coucher l’âme en paix.

A se demander si Walton n’a pas subi la pression des producteurs suite à des screen-tests défavorables.

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