lundi 7 décembre 2009

Teeth, le nanard qui n'en était pas un (Mitchell Lichtenstein, 2008)


Pour mon premier article ciné sur ce blog j’ai choisi d’évoquer un de ces films-ovni généralement mal critiqués par Télérama (dont la rédaction semble décidément très réfractaire aux films de genre), mais qui ravissent d’autant plus qu’on ne s’attendait absolument pas à les aimer.

Le synopsis (une adolescente se découvre un vagin denté, arme redoutable contre d’éventuels agresseurs) et plus encore la jaquette française du DVD (rappellant irrésistiblement un énième teen-moovie type american pie) semblaient pourtant sans appel : Un nanard dans le registre de la grosse farce gore, aussi vulgaire que mal filmé. Je m’attendais en gros à une resucée de « la mutante », avec le faible espoir que ça me ferait au moins un peu rire. L’effet de surprise fut donc total.
Contrairement aux effets d’annonce précédemment cités, Teeth se révèle un film à l’ambiance intimiste qui suggère plus qu’il ne montre, se donnant à voir comme une sorte de métaphore des angoisses adolescentes face aux changement corporel, la peur d’être différent et la découverte de la sexualité.

La première surprise se retrouve en effet dans la façon de filmer. L’atmosphère d’angoisse est immédiatement perceptible mais se distille lentement. Épousant les peurs profondes de l’héroïne, elle apparaît sous une forme très intériorisée.
De plus, l’inquiétude de celle-ci (et donc du spectateur) ne trouve pas son unique source dans la confrontation au surnaturel. Elle s’alimente également d’angoisses plus « banales » : malaise social et familial, agressions sexuelles manifestes ou à peine voilées (comme lors du rdv chez le gynéco), la peur de l’échec ou du rejet de l’autre, un environnement inquiétant et moche (centrale nucléaire en arrière-fond)…
On retrouve le même type de procédé dans « Qui a tué Bambi ? »: Un cumul d’agressions se situant dans des registres très différents, mais qui se mêlent les unes aux autres pour se renforcer mutuellement.
L’atmosphère de cauchemar dans Teeth flirte ainsi avec le drame social, mais échappe à la pesanteur en empruntant à la comédie, dans le genre humour noir qui fait grincer des dents.
Le réalisateur, dans la façon de traiter son sujet, souhaite visiblement marquer une distance face aux films d’horreur classiques, tout en y faisant référence. L’usage de clins d’œil répétés aux films de genre (un film d’horreur de série Z passe à la TV en arrière fond, noyant de sa musique kitsch la scène en train de se jouer) permet de prendre un certain recul vis-à-vis du sujet, tout en légitimant l’usage, sans en avoir l’air, de signes facilement identifiables par le spectateur pour faire monter la tension.

De même que la réalisation prend le contre-pied du film fantastique à grand spectacle, le thème, pourtant largement rebattu, de « l’étranger » est pris lui aussi à rebours. D’autant plus que l’étrangère en question est loin d’être inoffensive (elle peut quand même vous castrer en un clin d’œil) se rapprochant plus sur le plan symbolique d’un prédateur à la Alien que d’un E.T.
Le fait que l’héroïne se révèle « différente » de ses congénères du même âge est plus présenté ici comme une forme de handicap, de facteur aggravant à une insertion sociale déjà difficile, plutôt que comme une monstruosité de nature qui l’éloignerait définitivement de l’humanité.
Ainsi, même quand elle découvre sa terrible spécificité, celle-ci est très déstabilisée mais tente, maladroitement et avec beaucoup de déconvenues, de chercher un moyen d’accéder à une sexualité « normale ». Elle nous apparaît finalement très humaine dans son malaise, sa tentative désespérée pour comprendre ce qui lui arrive et s’adapter à sa nouvelle situation.
Les véritables monstres dans Teeth sont représentés par 2 catégories de personnages à priori diamétralement opposés :
- Les hommes qu’elle est amenée à rencontrer, brutes vicieuses et hypocrites cherchant à profiter de sa faiblesse et de sa naïveté.
-Les puritains du groupe de défense de la virginité avant le mariage. Apparaissant dans un premier temps comme un refuge pour l'héroïne, lui permettant de repousser le moment inévitable où elle devra faire face à cette différence qu'elle perçoit intuitivement au fond d'elle même, elle ressort de leurs réunions gavée d'idées fausses sur la sexualité et le rapport au corps (ce qui ne va pas franchement l'aider à s'assumer par la suite). Leur aura se fait encore plus négative une fois la fameuse "découverte" consommée, car elle les voit alors sous leur vrai jour : des êtres mesquins, fanatiques et intolérants. Elle se sent, du jour au lendemain,  implicitement rejetée par eux  en raison de sa nature, lui renvoyant une image d'elle même insupportable.

Le film s’apparente ainsi plus à une quête identitaire, accepter sa différence et apprendre à vivre avec, qu’à une chasse au monstre. Il est intéressant de noter qu’il ne vient jamais à l’esprit de l’héroïne qu’elle pourrait peut être régler ses problèmes par la mutilation, en supprimant à la racine ce qui la rend différente.

En définitive, si l’on a manifestement pas affaire à un chef d’œuvre (quelques longueurs tout de même, et un genre d’épilogue aussi inutile que caricatural), Teeth n’en est pas moins un chouette petit film qui séduit par son originalité et un scénario rusé, inattendu, qui vous prend au piège de vos propres idées préconçues.

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